Atterrissage
Le train d'atterrissage - Un sujet "Facteurs Humains" 2/2
Cet article est le complément de la séquence vidéo de sensibilisation aux risques ci-dessus.
Avec en moyenne un accident du type «oubli du train d’atterrissage» chaque mois dans le périmètre d’investigation du BEA entre 2000 et 2010, la plupart sans cause mécanique on peut vraiment qualifier ce sujet de "sujet Facteurs Humains".
Il faut s’efforcer de comprendre comment ces accidents surviennent pour pouvoir les éviter.
Des modèles sont à notre disposition pour analyser, comprendre et apporter ou envisager des solutions. Nous avons appliqué à un événement particulier le modèle de Reason.
Pour autant notre approche n’est pas exhaustive et encore moins scientifique. Elle n’a qu’un objectif de sensibilisation des pilotes aux risques, à la complexité des activités aériennes et aux moyens de les gérer.
Ces moyens sont tout à fait à la portée des pilotes de loisir à condition qu’ils soient réceptifs aux messages de sensibilisation. Ce point fait partie de la mission des instructeurs qui doivent être accompagnés activement par les structures dans lesquelles ils enseignent.
Récapitulatif des facteurs contributifs potentiels de l’atterrissage sur le ventre
Ce sont les caractéristiques du vol, en particulier tous les aspects ayant un effet même faiblement négatif, sur la performance du pilote.
1. Le terrain est en altitude et en altitude l’avion est moins puissant, moins performant et moins manoeuvrable.
2. Le pilote est peut être en hypoxie même faible, imperceptible, sa potentialité doit inciter à la prudence. Si vous volez en croisière proche du niveau 100, prenez votre pouls puis comparez le à celui que vous aurez au sol dès que vous aurez coupé et sécurisé le moteur.
3. Sur un terrain de montagne la remise des gaz n’est pas possible, c’est un facteur de stress important : le pilote accorde toute son attention à la trajectoire. Si le pilote engage l’approche finale alors que toutes les conditions pour l’atterrissage ne sont pas remplies il a peu de chance de s’en apercevoir.
4. Un vol en environnement montagneux est potentiellement plus éprouvant qu’un vol en plaine.
5. L’environnement du terrain est sensible aux nuisances sonores. Le respect des consignes anti-bruit est une charge de travail supplémentaire et peut inciter le pilote à raccourcir la finale ce qui lui laissera peu de temps pour la stabiliser.
6. Le plan d’approche est difficile à visualiser car le relief prive le pilote d’horizon, de plus les références changent à mesure qu'on s'en approche.
7. Le pilote n’arrive pas à tenir le plan d’approche et à rejoindre la vitesse d’approche simultanément car il n’a pas la trainée du train d’atterrissage.
8. Il ne comprend pas pourquoi il n’arrive pas à tenir le plan et à rejoindre la vitesse.
L’incompréhension, le doute et la pression temporelle sont un cocktail délétère pour la performance du pilote.
9. Un avion occupe la piste, et n’est pas sur le point de la libérer. Cela détourne l’attention du pilote et augmente son stress.
10. Le pilote n’est peut-être pas entraîné à annoncer les alarmes lorsqu’elles se déclenchent.
11. Le bruit de l’alarme est un facteur de stress, d’autant plus qu’elle n’est pas identifiée.
12. Si les pilotes sont équipés de casques à atténuation active du bruit, le niveau sonore de l’alarme peut être très faible, elle peuvent passer inaperçu et d’autant plus en situation de stress.
13. La check-list avant atterrissage ne semble pas avoir été faite. Si elle l’a été, il arrive en situation de stress, de pression temporelle, que les check-listes soient réalisées sans que les points concernés soient effectivement vérifiés. Il arrive aussi que les points soient vérifiés mais que leur inadéquation aux circonstances n’entrainent pas les décisions appropriées.
Exemple :
Un avion de ligne avant l'alignement sur la piste pour le décollage, l'équipage technique vérifie et annonce une position de volets incompatible avec le décollage provoquant la perte de la machine et de tous ses occupants.
14. Le "cockpit" est peut-être un cockpit particulier. Deux pilotes expérimentés, ou un pilote et un instructeur, ou deux instructeurs. Cela peut générer de la confusion ayant un effet négatif sur la performance du(es) pilote(s).
15. Le stress peut entrainer un phénomène de régression, altérant la conscience de la situation, qui s’apparente alors à une situation passée. L’utilisation des terrains de montagne suppose une qualification de site. La qualification montagne n’est normalement pas pratiquée sur des avions à train rentrant. Des pilotes qui n’ont volé que sur des avions à train rentrant ont très peu de chance d’oublier un jour la sortie du train.
16. On peut ajouter une seizième hypothèse de facteur contributif, le pilote est parti pour un vol de routine, en hypovigilance, peu mobilisé pour faire face aux risques éventuels.
Le modèle de Reason
Quelles sont les plaques dans notre modélisation du "swiss cheese model" appliquée à l’atterrissage sur le ventre ?
Système
Conception
"Cette fonctionnalité génère des risques qui vont des dysfonctionnements, ... à l’oubli …"
Ergonomie
"Une commande de train qui y ressemble pour éviter les confusions …"
Alarmes
"… des alarmes de configuration, visuelles ou sonores …"
Secours
"… par gravité ou à l’aide d’une manivelle …"
Exploitation
Techniques d’Utilisation
"Les procédures prévoient …"
Annonces Techniques - Check-listes
"… des annonces techniques, des check-listes lues ou par coeur …"
Retour d’Expérience
Permet d’identifier les risques et surtout de faire en sorte que des événements similaires ne se reproduisent pas.
Pilote
Compétences Techniques
"Les paramètres sont inhabituels ?"
Compétences non-Techniques
"Et si ... ?", "quand l’ensemble de ces mesures risque-t-il d’être mis en échec ?"
Expérience
Une faible expérience récente s’accompagne souvent d’une faible disponibilité du pilote aux commandes, tandis qu’une expérience récente importante peut rendre insensible aux risques, par l’habitude qui repousse les seuils d’alerte.
Aptitude Médicale
N’est pas la condition physique et mentale du moment ...
Que sont les trous dans les protections
Si une plaque de protection ne fonctionne pas du tout (absente ou trous énormes) on peut considérer que cela compromet l’ensemble du système de protection.
Par exemple un pilote qui ne ferait jamais aucune vérification de la position du train d’atterrissage mettrait en échec l’ensemble de ce qui doit permettre que le train soit dans la position ad-hoc.
Dans notre exemple c’est potentiellement l’ensemble des facteurs énumérés plus haut qui ont conduit à cet accident.
Un manque de rigueur habituel c’est une faiblesse, conjugué avec plusieurs facteurs défavorables à la performance du pilote, c’est une protection qui disparait !
Concernant par exemple l’alarme train qui n’est vraiment pas explicite, c’est une faiblesse dans la plaque conception / ergonomie du système. Elle serait remplacée par une voix synthétique qui dirait : "le train ! le train !" elle serait sans doute bien plus efficace.
Quant à la problématique des casques à atténuation active du bruit (ANR), c’est aussi une faille dans les protections, au pilote de la compenser en étant sensibilisé.
Voici ce que stipule un manuel d’utilisation de ces dispositifs :
"We strongly recommend that as a responsible pilot, you ensure you can hear and recognize typical aircraft sounds while you are using the headset. Limit the volume of your headset to safe levels so it does not interfere with your ability to hear informational sounds, such as those emitted by warning alarms; i.e., stall warning, gear up."
Autrement dit, en pilotes responsables vous devez être conscients des risques, et mobilisés pour y faire face !