Atterrissage
Transition Approche stabilisée - Toucher
Objectif
Préciser la représentation qu’un pilote devrait avoir de l’atterrissage, pour réduire les risques d’atterrissage dur et de sortie de piste, et faire en sorte que la transition de l’approche stabilisée jusqu’au toucher ne soit pas « subie », mais pilotée.
Atterrissage et accidentologie
L’atterrissage est une manoeuvre de pilotage délicate, en atteste l’accidentologie des avions de loisir, plus de la moitié des accidents non mortels se produisent à l’atterrissage. Si on se réfère aux accidents d’avions légers enquêtés par le BEA sur une période de 5 ans le 2009 à 2013, sur 418 accidents 215 sont classés comme suit :
1- 109 sorties de piste (Runway Excursions - RE).
2- 106 atterrissages durs (Abnormal Runway Contact - ARC).
Accidents à l’atterrissage
Scénarios types, liste non exhaustive.
« Arrondi » par palier de décélération trop haut, jusqu’au décrochage.
Lors de l’arrondi l’avion remonte, le pilote agit correctement en ne rendant pas la main. L’avertisseur de décrochage retentit, le pilote tient toujours l’assiette mais hésite à remettre de la puissance car il s’attend à toucher, il finit par rendre la main …
Vitesse d’approche élevée avec arrondi long en effet de sol et sortie de piste.
Vitesse trop élevée, arrondi long durant lequel le pilote n’arrive pas à maitriser l’axe, en particulier lorsque la vitesse ayant régressé, la forte assiette masque la vue vers l’avant. De plus, à forte incidence et faible vitesse l’avion est « mou » et difficile à maîtriser. Sortie latérale de piste, ou bien touché dur. Facteur aggravant du vent traversier.
Arrivée trop rapide, l’avion du fait de sa vitesse est très réactif aux commandes, tend à repartir vivement. Il est ramené tout aussi vivement sur la piste. Le train avant tape et se rompt. Un rebond intermédiaire est fréquent.
Lors de la réduction de puissance en vue de l’atterrissage l’avion sort de la trajectoire vers le bas et touche sur le train avant, ou bien avant la piste.
Arrivée trop lente et sous le plan, mauvaise vision vers l’avant, l’avion accroche un obstacle, ou décroche.
Les arrivées trop rapides résultent généralement d’une majoration volontaire de la vitesse d’approche.
Si on peut effectivement être amené à majorer la vitesse d’approche, compte tenu du vent et de la rafale et en prévision d’un gradient de vent, cet excédent doit absolument être résorbé en très courte finale, c’est à dire au plus tard à 50 pieds sol, et à une distance de 300 mètres du point d’aboutissement.
Les rebonds à l’atterrissage sont souvent dus à une vitesse trop élevée au toucher. Sur un avion à train tricycle, la roue avant touche en premier, ce qui fait augmenter l’assiette de l’avion, son incidence, et qui le fait repartir. Puis il revient aussi vite qu’il est parti, jusqu’à la rupture du train avant.
Atterrissage - Volet Facteurs humains
Un élève pilote s’efforce généralement de faire ce que lui demande son instructeur. A défaut, il essaie de faire comme lui, par imitation, parfois au feeling. Au fil des répétitions, la performance se stabilise, le pilote devient régulier. Pour autant son schéma d’action n’est pas forcément structuré.
La régularité de l’atterrissage est un point essentiel avant tout lâcher. La plupart du temps cela se passe bien.
L’atterrissage ce n’est pas du « feeling », c’est une technique que le pilote doit être capable de verbaliser.
Savoir dire ce qu’on fait permet de structurer ses actions.
Avoir des critères précis à atteindre, pouvoir attester qu’ils sont bien atteints dans un ordre logique permet de bien décider.
La structuration du schéma d’action, permet de limiter la place accordée aux sensations et donc au hasard.
Elle permet de réduire le stress, en plaçant le pilote dans l’action, comprise et rationnelle, basée sur des critères qu’il sait observer.
On peut faire les choses d’une certaine façon pendant des années, et un jour découvrir que l’on pouvait faire autrement, et parfois mieux. Il arrive aussi que l’on revienne à sa technique antérieure.
Remettre raisonnablement en question sa technique, est indispensable à une évolution positive.
Technique d’atterrissage
Avertissements !
Les explications de ce fascicule requièrent les commentaires et explications complémentaires d’un instructeur de vol (FI).
Si la technique décrite dans ce document semble vraiment différente de votre technique habituelle, la mise en pratique ne devra se faire que sous le contrôle d’un instructeur de vol (FI), l’approuvant et la maîtrisant.
Les pilotes et les instructeurs doivent faire preuve de discernement
La technique rappelée et promue par cette campagne est celle préconisée dans le manuel de l’instructeur de l’ENAC édition du 1er juin 2014, leçon numéro 16.
Dans certains ouvrages dédiés au pilotage, l’atterrissage est décrit comme une manoeuvre comportant un palier de décélération :
Pour schématiser, le pilote amène sa machine à la vitesse d’approche sur un plan à 5%, jusqu’à la proximité immédiate du point d’aboutissement. Il réduit alors complètement la puissance en même temps qu’il met l’avion en palier. Sur ce palier la vitesse régresse, l’avion atteint une attitude à cabré qui garantit le toucher sur le train principal. Le pilote maintient alors l’assiette, sur laquelle l’augmentation d’incidence liée à la poursuite de la décélération fait descendre l’avion, jusqu’au toucher. Le toucher peut être adouci par une nouvelle action à cabrer du pilote qui désire généralement faire un « kiss ».
Cette technique n’est pas celle préconisée dans ce document.
La technique promue dans ce document est la suivante
La trajectoire d’approche finale, jusqu’au toucher, devrait être toujours descendante.
Il n’est pas souhaitable de rechercher le « kiss », qui n’est pas du tout un critère de bon atterrissage.
Considérons que l’avion a un train tricycle.
La transition du « plan 5% vers le point d’aboutissement » vers « le point de toucher » doit être faite après l’identification de ce dernier. Il n’est pas dommageable que le toucher intervienne un peu après le point identifié comme point de toucher.
L’important dans cette technique, est qu’elle « lie » précisément les actions du pilote à la piste, en deux points, le point d’aboutissement, puis le point de toucher (souhaité).
Cette technique implique que le pilote soit capable de très bien tenir son plan d’approche à 5%, y compris en très courte finale, et qu’il soit capable de faire décélérer sa machine sur ce plan. Ce n’est possible que si le point d’aboutissement est très précisément matérialisé par le pilote (cf campagne précédente).
Le point de début de la réduction des gaz pour réduire la vitesse dépend :
- de la finesse de la machine,
- de sa configuration,
- de la vitesse sol, et donc du vent.
Pour jauger les réactions de l’avion dans les conditions du jour, il ne faut pas hésiter à débuter tôt (au passage des 15 mètres sol, voire un peu avant) la réduction de la puissance, mais très lentement afin de pouvoir l’interrompre sans conséquences, puis l’adapter.
(Il n’est bien sûr pas question de réduire toute la puissance à 15 mètres sol, de plus la technique doit être adaptée selon les caractéristiques machine, l’aérologie, et les circonstances (pilotage!!).)
Peu avant d’arriver sur le point d’aboutissement, pour ne pas l’impacter, mais sans que cela ne nécessite de précipitation, le pilote choisit et matérialise le point de toucher et oriente la trajectoire de sa machine vers ce point.
Avant de réaliser cette transition l’avion devrait avoir atteint une assiette garantissant le toucher sur le train principal. Si l’avertisseur de décrochage retentit en continu avant la transition de la trajectoire vers le point de toucher, selon les circonstances, bloquer l’assiette à sa valeur instantanée et remettre de la puissance, remettre les gaz !
Quelques questions sur le sujet
1- Quel est l’objectif de « l’arrondi » ?
2- Un avion certifié doit pouvoir résister à un toucher jusqu’à une certaine vitesse verticale, laquelle?
3- Est-il anormal d’entendre l’avertisseur de décrochage avant le toucher ?
4- Pourquoi la représentation de l’arrondi comme un palier de décélération avant le toucher (asymptote), n’est-elle pas bonne ?
5- Quel est le principal défaut affectant la trajectoire d’approche d’un pilote qui vise globalement l’entrée de piste, plutôt qu’un point d’aboutissement bien précis ?
Réponses aux questions
1- L’objectif de l’arrondi est de placer l’avion dans son enveloppe de résistance structurale, avec une attitude qui garantisse le toucher sur le train principal lorsqu’il prend contact avec la piste, après, mais aussi prés que possible du point d’aboutissement.
2- Un avion certifié doit pouvoir supporter un impact sur le train principal à une vitesse verticale de 600 pieds par minute.
3- Non, il n’est pas anormal d’entendre l’avertisseur de décrochage avant le toucher. Il se déclenche une dizaine de km/h avant le phénomène aérodynamique et sert, comme son nom l’indique, à annoncer sa proximité.
Attention! Il ne faut surtout pas assimiler l’atterrissage à un décrochage, tel qu’il est parfois décrit. L’atterrissage n’est pas du tout un décrochage à l’abord du sol.
L’objectif est d’amener l’avion au toucher à une incidence sensiblement inférieure à celle du décrochage. Le toucher provoque une diminution de l’incidence, ce qui permet à l’avion de bien peser sur son train. Les plans ne décrochent à aucun moment.
4- Cette représentation n’est pas bonne, car le point de toucher devient hypothétique, subi.
De plus la représentation de l’atterrissage comme une asymptote*, a de grandes chances de faire perdre au pilote ses repères visuels lors de l’atterrissage.
*Une courbe qui tendrait vers le sol sans jamais l’atteindre
Avec cette représentation, une appréciation erronée de la hauteur d’arrondi risque d’avoir de lourdes conséquences, comme un décrochage au dessus de la piste à une hauteur indéterminée.
C’est une technique qui s’accommode d’une mauvaise tenue du plan et d’une stabilisation approximative de l’approche, notamment en ce qui concerne la tenue et le contrôle de la vitesse. Ces éléments sont identifiés comme des facteurs contributifs majeurs des accidents à l’atterrissage, et en particulier des sorties de piste.
5- Le principal défaut affectant la trajectoire d’un pilote qui ne vise pas un point d’aboutissement parfaitement identifié, c’est l’approche en « petite cuillère ». En très courte finale, lorsque le pilote se sent dégagé des obstacles, il passe franchement sous le plan pour aller tangenter la piste. La trajectoire n’est plus tendue, devient aléatoire, l’atterrissage est subi.
Faisabilité
Parmi les critères de certification des avions légers, pour toute assiette avion supérieure à 0°, l’effort au contact d’une piste horizontale doit porter sur le train principal. C’est aussi un critère de maintenance.
L’arrondi consiste à faire transiter l’avion, du plan d’approche stabilisé en descente à 3°, vers un plan (de descente) moins fort, et constant jusqu’au toucher. On peut évaluer que le toucher surviendra sur un plan de descente d’environ 1°, à une incidence d’une dizaine de degrés.