Culture aéro
G-Loc, les 10 commandements du doc
Mes activités de pilote, de compétiteur assidu, de médecin aéronautique et de cardiologue m’ont offert un intéressant point de vue en me plaçant au carrefour de disciplines subtilement associées dans ce sport exigeant qu’est la voltige aérienne.
Pratiquant cette discipline depuis 1986, ça n’est qu’en 2012 que j’ai été confronté aux commandes d’un CAP 10 à mon premier G‐Loc (G‐force induced Loss Of Consciousness ou en français : perte de conscience sous facteur de charge).
Bien qu’ayant une connaissance théorique de ce risque, le vécu de cette expérience a été très déstabilisant, sur l’instant mais également lors des vols qui ont suivi.
Ce fut l’occasion d’une prise de conscience avec la volonté d’informer et d’éduquer le (la) voltigeur(euse), jeune ou moins jeune, tous niveaux confondus. Il y a j’en suis convaincu, les pilotes de voltige qui ont déjà subi un voile et ceux qui y seront confrontés un jour ou l’autre. A l’instar d’un virus tristement d’actualité personne ne doit se sentir immunisé ou à l’abri de ce risque, aussi physiologique soit‐il.
Quatre ans plus tard, l’enquête sur l’accident dramatique du F‐GZXV survenu à salon Eyguières le 15 août 2016, à laquelle le BEA m’a associé par l’intermédiaire du Professeur Henri MAROTTE (Université Paris Descartes), ne fera que renforcer cette volonté d’information et de prévention. En effet, au terme des investigations et grâce en particulier à de précieuses données vidéos, le lien entre l’accident et la survenue d’un G‐Loc chez le pilote a été formellement établi.
Depuis de nombreuses années j’apprécie le soutien précieux et la collaboration de la Fédération Française Aéronautique particulièrement soucieuse de la sécurité des pilotes. Elle m’a offert à l’occasion de séminaires, les moyens d’intervenir auprès des instructeurs, entraineurs et responsables d’équipes.
Aussi son idée d’illustrer de façon ludique et didactique, quelques recommandations simples à destination des voltigeurs m’a immédiatement enthousiasmé. Je fus heureux en outre de voir cette démarche s’inscrire logiquement dans le sillage de l’enquête réalisée avec le BEA et des échanges constructifs entretenus avec mon confrère du BEA le docteur Didier DELAITRE.
Pourquoi 10 commandements ?
Il s’agit d’un clin d’œil au Sailor Malaan, héros sud‐africain engagé dans la RAF durant le second conflit mondial et qui avait rédigé à l’adresse des pilotes de chasse dix recommandations leur permettant de faire face à l’ennemi.
C’est également un hommage à Pierre Clostermann et son « Grand Cirque » qui ont alimenté tant de passions, de vocations et conduit vers les aéroclubs nombre de jeunes lecteurs dont j’ai fait partie.
Ces « 10 commandements du doc » ont été illustrés avec humour et talent par Pascal GROS, comme nous, familier des terrains d’aviation. Ils proposent dix principes élémentaires visant à limiter la survenue du voile et plus particulièrement du G‐Loc.
J’espère qu’ils montreront à l’usage autant de pertinence que ceux du Sailor Malaan et qu’ils pourront de façon pratique aider les pilotes à vivre en toute sécurité leur passion pour cette fabuleuse discipline qu’est la voltige aérienne.
J’aimerais également qu’ils participent à la chute du tabou que peut représenter encore le G‐Loc chez certains d’entre nous. Cette occurrence n’est en aucun cas le marqueur d’un trouble médical sanctionnable par une inaptitude au pilotage ni même une faiblesse susceptible d’être moquée.
Nous invitons donc les équipes à les afficher dans leurs structures et à les diffuser auprès des pilotes en leur conseillant de ne pas hésiter à partager leur expérience. Ce partage non seulement ne leur nuira pas, mais pourra les aider à mieux gérer le risque. Faites‐nous remonter ces REX, ils pourront ainsi être analysés et bénéficier à la communauté des voltigeurs.
Dr. PH Deschamps‐Berger
Rapport d'enquête du BEA : "Perte de connaissance en vol, collision avec le sol, lors d'un vol de voltige".